On l’appelle la montagne riche, le Cerro Rico est une montagne de minerai d’argent culminant à une hauteur de 4824 m. Elle est la raison à elle seule d’un développement urbain sans précédent durant le XVIIème siècle. En effet, Potosi, la ville au pied de cette montagne aurait possédé 200 000 habitants durant cette période.
Pendant cette époque colonialiste, les Espagnols se sont lancés dans une véritable industrie d’extraction d’argent ! Cet argent qui a permis à l’Empire de s’enrichir considérablement pendant des siècles au détriment de millions de boliviens, morts dans les mines.
30 000 tonnes d’argent auraient été extraites, puis transformées principalement en pièces de monnaies qui étaient ensuite envoyées en Europe.
Dès le XIXème siècle l’argent se raréfie suite à l’exploitation intensive de la montagne. Depuis cette période, les mineurs travaillent organisés en 36 coopératives se partageant la montagne. Sauf que cette montagne n’est plus si riche qu’auparavant, les mineurs se suffisent tout juste du minerai qu’ils extraient pour vivre.
Avant de se rendre aux mines, nous passons dans un premier temps devant le stand d’une dame vendant des marchandises spécifiquement pour les mineurs. Au menu de la dynamite qu’ils utilisent régulièrement, de la feuille de coca qu’ils mangent à profusion, une sorte de pâte ressemblant à un caillou qu’ils semblaient également ingérer, de l’eau et du soda avec du sucre fortement nécessaire.
Puis enfin de l’alcool à 96°C qu’ils offrent au diable du Cerro Rico, El Tío, veillant sur la mine.
Ensuite, nous nous équipons en tenue de mineur avec bottes, combinaison, casque et lampe frontale comme si nous y étions. Une dizaine de minutes plus tard, nous sommes face aux mines, on l’a ramène déjà un peu moins.
Notre guide, Evelyn, nous accompagnera et éclaira toutes nos questions en anglais durant la visite. Nous étions un vendredi, nous allons donc croiser des mineurs au travail, le but sera de leur donner les quelques aliments et boissons que nous avons précédemment acheté, échanger rapidement avec eux et surtout ne pas les ralentir dans leur travail.
C’est parti, on avance en file indienne et nous nous retrouvons rapidement dans le noir. Nous progressons le long des rails servant aux chariots de circuler, les pieds dans la boue et le corps courbé dans un espace d’une hauteur d’1m80 en moyenne.
(là c’était bien bas et peu rassurant !)
Nous continuons l’excursion et descendons d’un étage. Il faut savoir que les galeries sont séparées ici par une hauteur de 10 m chacune, elles se rejoignent par de grands trous creusés à cet effet.
La roche devient plus brillante, nous voyons que certaines sont composées de zinc, de bronze, plomb et d’étain. Nous examinons ces pierres de plus près, puis soudainement nous entendons un bruit extérieur à notre groupe.
Des mineurs travaillent pas loin, Evelyn les connaît bien, c’est le moment pour nous de faire ce petit geste pour les aider, leur offrir nos différents achats de la matinée. Parmi eux, 3 jeunes de 17 à 20 ans, travaillant déjà depuis plusieurs années ici. Aucun d’entre eux possèdent un masque, cela freine leur respiration durant l’effort. Ils travaillent donc en inspirant poussière et gaz nocifs comme l’arsenic. Certains se retrouvent dans les mines à l’âge de 12 ans, entraînés par leur père, afin d’aider la famille et de se former au plus vite.
Puis tout d’un coup, on nous dit de reculer, de la dynamite a été placée dans les galeries d’en dessous, 14 précisément. Nous attendons les yeux grands écarquillés jusqu’à que survienne un bruit sourd suivi d’une petite onde de choc, cela se répéta toutes les 2 secondes, c’est impressionnant et peu rassurant ! Tout s’est bien passé, il ne reste pas une dynamite surprise qui n’aurait pas voulu exploser tout de suite, on peut avancer.
Evelyn nous apprend qu’il y a eu des millions de morts durant les 4 siècles derniers dans ces mines. Il y a désormais beaucoup moins de décès, mais il y a toujours des accidents qui arrivent sans parler de la santé des mineurs s’aggravant chaque jour.
Nous recroisons des mineurs, ceux-ci sont en train de remplir les chariots de pierres. Pour déplacer ces chariots il faut se mettre à 2 personnes minimum et pousser de toutes ses forces en s’aidant de la tête, du dos, toutes les façons sont bonnes pour arriver à déplacer plusieurs centaines de kilos. Je me propose de les aider si cela est possible, ils acceptent et je me retrouve à pousser avec eux pendant quelques instants. C’est effectivement très lourd !
Et dire qu’ils vont faire des dizaines d’aller-retour avec ces chariots dans la journée…
Nous suivons donc les mineurs, le casque tape quelques fois le plafond par inadvertance, nous sommes bien contents de l’avoir. Il y a même un passage où nous avons dû ramper, c’est pour dire ! Pour couronner le tout, la chaleur peut attendre 30 à 40°C quand on s’enfonce dans les galeries, des conditions de travail idéales…
On aperçoit la lumière, après presque 2 heures dans les mines, nous sommes contents de revoir le jour. Content, mais également très touchés par ce que l’on vient d’assister.
De 1545 et jusqu’à l’indépendance de l’Amérique du Sud, les historiens ont estimé que l’Europe reçut quelque 50 milliards de dollars en lingots et makukinas (les pièces frappées à la Casa de la Moneda).
Ce phénomène économique est l’une des raisons du sous-développement de la Bolivie, producteur de richesses pour le reste du monde, regardant s’évaporer l’espoir sans pouvoir bouger d’une oreille.
Pour en revenir à la Casa de la Moneda, nous avons eu la chance de visiter ce bâtiment important de Potosi. C’est à cet endroit même que les pièces de monnaies furent frapper. On travaillait l’argent avec d’énormes machines qui tournaient grâce aux esclaves d’Afrique, clairement considérés à l’époque comme des mules. Le plus grand bâtiment colonial construit en Amérique par les Espagnols servait donc à la production physique de l’argent, étalon de la masse monétaire de l’époque.
Considéré comme le plus beau musée du pays, on y trouve d’immenses salles avec la science des monnaies étalée, des machines en bois datant du XVIIIème siècle, construites en Espagne et amenées en Bolivie à dos de mule, ainsi que de nombreux tableaux en référence à Potosi.
Certains parlent de « tourisme de la misère » en faisant référence à la visite de ces mines. Je pense clairement que cela dépend des raisons et convictions de chacun. J’imagine, je suppose, qu’il y a bien quelques personnes qui viennent dans un désir de sensations fortes ou de voyeurisme, mais il semble évident que le respect et l’humilité envers les travailleurs avec un esprit de soutien est la bonne attitude à adopter. Il est impossible de se rendre compte réellement de certaines horreurs et misères de la vie sans les avoir vues de ses propres yeux. On peut imaginer, mais ce n’est rien par rapport à vivre le moment. Le voyage est l’école de la vie également avec des expériences comme celle là.
On espère forcément que la situation à Potosi va s’améliorer au fil des années, que les jeunes puissent avoir un choix multiple d’emplois et que le travail dans ces mines cesse une bonne fois pour toute. Nous sommes conscients que c’est une utopie.
Si tu as eu l’occasion de visiter les mines et que tu veux nous laisser ton impression, ou si tu veux simplement réagir à cet article, ça se passe juste en dessous ! Il est temps de partir, cela va être un véritable changement d’ambiance au Sud Lípez où nous resterons subjugués par ce que nous verrons…
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Salut! Je suis bolivienne et j’habite en France depuis 5 ans, j’ai trouvé ton article par hasard et j’adore la façon dont tu t’exprimes, ça se voit que tu as découvert cet endroit avec respect et humilité et je t’en remercie 🙂 J’étais petite quand j’ai visité les mines il y a plus de 10 ans, mais je me souviens des sensations que j’y ai vécu. J’ai trouvé des articles faits par d’autres voyageurs européens qui ne font que cracher sur le guide et sur les autres touristes, et qui décrivent l’expérience avec des phrases tels que « on se croiraient au zoo »
Donc voilà merci beaucoup pour tes mots, j’espère que de plus en plus de voyageurs étrangers liront ton article et aborderont cette expérience avec la même humilité et état d’esprit que toi !
Bon courage dans tes prochaines aventures !
Salut Maria, merci pour ton message ?? C’est un débat intéressant 🙂
À partir du moment où le touriste apprend, prend conscience, sans déranger les travailleurs, voir même en leur donnant un coup de pouce, tout en respectant le passé du lieu, je ne vois pas pourquoi l’expérience serait tant négative. D’autant plus qu’on participe au tourisme de Potosi, ville où il manque cruellement de l’emploi. Raison pour laquelle certains sont encore obligés de travailler dans les mines. Plus de tourisme = plus d’emploi.
Bonne semaine